Une petite bande dessinée, intitulée simplement « charge contraceptive », m’a sauté aux yeux cet après-midi alors que je prenais vite des nouvelles des internet dans la pause d’une conférence. En moins de 10 planches, cette b.d. minimaliste est venue nommer ce que je savais déjà : gérer la contraception est épuisant.
C’est un sujet central dans ma vie. Comme femme, comme blonde, comme personne avec un corps et des envies sexuelles et des envies de carrément me sentir bien dans ma peau et dans mes entrailles, tser.
J’ai mes règles depuis déjà 10 ans, ça passe vite et lorsque je regarde mon parcours contraceptif, ce ne sont pas des mots comme « autonomie, liberté ou sexe » qui me viennent en tête ; non non, je pense « douleur, inquiétude, oubli, tristesse. »
Douleur émotionnelle de se faire refuser des traitements par le médecin qui sait mieux que toi ce qui va te faire.
Inquiétude de vouloir vivre une vie sexuelle épanouissante pour toi aussi, pas juste pour l’autre et que cela demande de ne pas subir d’effets secondaires qui nuisent à cette part de toi que tu tentes de connaître et d’en jouir depuis 10 ans.
Oublier de la prendre, cette fichue pilule. De te rattraper le lendemain, la peur au ventre, te rappelant les menaces du pharmacien « elles sont moins fortes aujourd’hui, si tu ne la prends pas à la même heure les conséquences pourraient être grââââve. »
Je me souviens de mon mal de cœur en avalant cette double ration de pilule, me promettant de ne plus jamais, jamais, jamais l’oublier. Pour complètement cesser de la prendre la semaine suivante, l’esprit ailleurs, occupée à penser à moi, à l’école, à la grève qui avait lieu alors, à la 2e grève que j’avais à ma job, à mes soucis qui prenaient plus de place
Et j’ai oublié.
1..2…3…4 jours. Paniquée, je revoyais ce pharmacien qui me disait qu’en cas d’oubli, je pouvais doubler la dose et faire attention le reste du mois.
Alors j’ai quadruplé ma dose avec du jus d’orange, me sentant plus sale que si j’avais mangé de la terre, m’en voulant mer et monde de si peu respecter mon droit à avoir du sexe en paix, le ventre en feu et la peur de devoir « me calmer » le reste du mois.
Ce jour-là, je me suis évanouie. Le gars qui m’a ramassé au sol de la classe m’a dit que j’étais grise, m’a nourrie du yogourt et chaque geste attentionné que j’ai reçu ce jour-là m’ont fait l’effet d’une caresse rêche, moi qui me culpabilisait, à 19 ans, de ne pas mieux me contrôler.
Tristesse lors de mes tentatives ratées d’avoir un autre moyen de contraception qui m’allait. Mon évanouissement ayant officialisé mon désir de divorcer de la pilule, j’avais tout arrêté. J’avais repris de l’énergie, repris un gout de moi ; je recommençais à faire de l’acné et j’accueillais ce changement qui venait avec plusieurs autres détails qui me montraient à quel point la pilule m’avait modifié, une gorgée à la fois.
Mais il faut trouver autre chose.
Incapable de me comprendre, démotivée à trouver une nouvelle alternative, je m’ouvre à mon médecin.
J’endure la patch trop longtemps.
Ça colle, c’est laid, c’est chiant.
Et je l’oubli.
Tu croirais pas…. Qui oublie de changer 1X semaine un gros carré de plastique beige sur ta fesse qui a laissé une trainée grise, comme un escargot, à mesure qu’il glissait à chacun de tes mouvements ? Moi faut croire.
Stress
Stress
Ça aide pas le sexe
Ça aide pas la fille
Et ça dure trois mois.
Donc j’ai eu le flash !
LE STÉRILET ! Petit, durable, INVISIBLE !
J’ai fait mon universitaire. J’ai cherché, j’ai lu, j’ai comparé, j’ai trouvé des textes scientifiques.
Le nirvana de ma vie, le saint graal de mon corps, mais surtout, j’allais ENFIN me déprendre de ces hormones simulées à la con grâce au stérilet en cuivre !!!!
Durant cette même période, un bon dieu c’est dit que je ne pouvais pas rester aussi bien dans mon cœur de femme : mon univers change : vestibulodynie.
T’as pas besoin de chercher.
En gros : t’as mal, longtemps, c’est plate, c’est énervant et pas que sexuellement. Genre t’as des fois pas le gout d’aller pisser. Et de marcher. Et de t’asseoir. Pas tout le temps et tu le sais juste quand il est trop tard. Oups, fallait pas te lever aujourd’hui. Too late.
Ah et tu paies une physio. Six fois. Et j’étais sa cliente qui a guérie vite !
Yep. La joie.
Bref je me pointe super motivée chez mon médecin, l’espoir plein le cœur et annonce fermement mon désir :
DONNEZ-MOI MON STÉRILET SANS HORMONES
Je n’ai pas le temps d’expliquer mon passé, de décrire mes malaises, mes insatisfactions.
Pas le temps de montrer mes recherches, mes raisons de ne plus vouloir d’hormones, du moins de ne vouloir que les miennes, de les retrouver enfin.
Pas le temps de respirer, de sortir mes papiers. Ils dorment dans mon sac, fraichement imprimés.
Tu dois prendre le stérilet hormonal.
Et je me débats, mais la vague est si forte, si intimidante dans sa parure de docteur d’expérience.
Alors je flanche et mon corps se ferme.
Un an et demi sans menstruation. Le rêve, quoi.
Un rêve de six mois, en effet. Le temps de m’habituer à ce corps muet. Muet de ses paroles naturelles, muet de ses demandes. Un rêve qui me transforme en zombie.
J’ai parfois des crampes, parfois des douleurs étranges, parfois des nausées et jamais, jamais, jamais, l’envie de l’autre. Un effet secondaire écrit noir sur blanc : perte complète de libido. Alors je gère une autre année et me tanne.
Retour chez le médecin.
J’ai encore les mêmes papiers, les mêmes sources, les mêmes preuves. Quand il me dit que l’hormonal c’est mieux, je lui dis qu’il refusait le 1er stérilet, vu que je n’avais jamais accouché. Maintenant, je veux changer, car je veux retrouver ma sexualité. Ça le prend de cours. Ça le faire bien rire, de me voir si crue.
« Ça ne vous énerverait pas, vous, que votre conjoint ou conjointe, du jour au lendemain, ne vous touche plus ? » Il a dû voir que je ne niaisais plus. Une semaine plus tard, j’ai mal, mal, mal, pour la deuxième fois en deux ans, à un endroit qui ne m’avait jamais fait mal avant.
J’ai enfin ce que je veux.
J’ai ce même contraceptif depuis et tout n’est pas rose, mais tout va bien mieux.
Aucune hormone supplémentaire pour contrôler ma peau, mes crampes, mon humeur.
Je redeviens moi, à mon plus vrai et c’est pas toujours évidant.
Qui sais, dans un an, dans cinq, peut-être plus tôt, je vais me questionner de nouveau, mais je suis tellement tannée, donc en ce moment je fais avec ce calme un peu moins douloureux.
Parce que ça ne me tente plus :
De me faire juger chez le médecin ;
De poser mille questions au pharmacien avant de faire un changement contraceptif ;
De questionner ma capacité à juger de mes choix sur mon corps ;
De vivre différents effets secondaires, qui s’ajoutent aux effets d’être tout simplement dans cette « période du mois » ;
D’attendre dans une salle d’attente, espérant sortir mieux écoutée, mieux conseillée que la dernière fois.
Ce parcours est le mien. J’en connais des bien pire. Des femmes qui ont testé toutes les pilules, qui ont vomi, ont manqué faire une crise cardiaque, ont perdu gout d’elle-même.
J’ai adoré cette petite b.d. qui, bien simplement, nous rappelle encore une fois que la contraception, c’est encore et reste une affaire de femmes.